Moi-même j'ai plusieurs objets qui me tiennent à coeur, qui font partie intégrante de ma vie, parce qu'ils sont liés à des souvenirs, parce qu'ils me racontent chacun une histoire différente, toutes les unes plus belles que les autres, un peu comme les contes que me racontaient ma maman.

Toutes ces choses, je les ai gardées dans une vieille boîte à chaussures où chaque centimètre cube est occupé. Ma 8e merveille du monde.
Chaque fois, avant de l'ouvrir, je ferme mes yeux très fort et j'essaie de me remémoriser tout ce qu'il y avait dedans la dernière fois que je l'ai laissée. Et chaque fois, je me trompe, il y a toujours une lettre en plus qui traînait, une photo, un bracelet, un échantillon de parfum...

Et c'est le genre de truc qui me fait chialer à tous les coups.

Moi je les cache pas. Ou plus. Je veux pas les enfermer, je les verrai pas assez souvent, j'y penserai pas assez souvent. J'ai le besoin et la nécessité de les voir. De les toucher. De les apprécier. De revoir les moments. Ces moments ou ils étaient la.

D'une certaine maniere, j'identifie des personnes a ces choses. Des moments. Des odeurs. Des sensations. Des paroles. J'ai quand meme une bonne mémoire pour ca.

C'est beau, les souvenirs, quand on y repense..

Et puis de toute facon, si je devais ranger quelque chose, je le perdrai, et ca me ferait plus de peine qu'autre chose..

Si ces moments je les "enferme" (je n'aime pas ce verbe, il me rappelle les barreaux d'une prison), c'est parce qu'en les redécouvrant, je les revis comme si c'était la première fois. J'arrive à me reconstituer une scène entière par le simple fait d'avoir revu un élément constituant un de mes plus beaux souvenirs. Soirée serrés les uns contre les autres, recroquevillés devant un chocolat chaud avec en arrière-fond un Otis Redding pour le Réveillon, Valérie, les vacances en colo avec leurs batailles d'eau, leurs bains de minuit, les plans foireux de Carmelle et Thibault à l'humour - plus que - douteux à qui je dois le mien (remerciez-le), les jonglages avec des gâteaux à la crème parce que c'est de la tarte... Je revois les sourires, je réentends les rires, les visages de chacun réapparaissent et ressurgissent de ma mémoire pour s'ancrer encore plus profondément qu'ils ne l'étaient déjà...
J'aurais même eu l'impression que lors de ces moments-là, j'ai vécu quelque chose. Quelque chose d'inoubliable, indélibile marqué là, quelque part, sur un bout de papier enfoui dans mon cerveau, sauf qu'il faut attendre la dernière poche pour la retrouver. Que ma vie n'était pas si vide que j'aurais pu le croire.

Chaque fois que je soulève ce couvercle, c'est une nouvelle surprise qui ressort, un concentré de 16 ans qui remonte à la surface, qui n'a jamais exactement la même odeur, et je pense que si j'avais gardé tout ça à découvert sur moi pendant tout ce temps, ça n'aurait jamais eu la même valeur à mes yeux parce que pour moi, toute chose qu'elle soit bonne ou mauvaise est à consommer à petite dose sinon on en perd toute la magie...

En les rangeant, tu décides du jour ou tu vas les revoir. Ou tu vas y repenser. En les laissant apparent, tu décides pas. C'est eux qui t'obligent a y penser. C'est eux qui se font voir. Ou qui se fondent dans le désordre [Désastre ?] qu'est ma chambre.

Je fais pas assez attention aux choses et aux personnes qui m'entourent. Sauf quand y'en a un qui se fait remarquer. Je le regarde. Je l'admire. Je me mets a l'aimer. A l'aimer encore. Plus. Plus qu'avant. Et de plus en plus a chacune de ses soulevements.
Une facon de me dire "Regarde-moi", "Ne m'oublie pas", "Je suis là".. Une facon de se faire comprendre. Le souvenir est. Il est la. Il est en moi. Il apparait. Disparait. Réapparait. Redisparait. Se cache et se montre. Il joue. Il se fait plaisir. Et me fait plaisir.

La magie ne part pas, parceque j'y mets pas du mien. Si je voulais les voir, trop, je la perdrai, oui. Mais etant passive, rien ne se perd. Tout est la. Entouré. Entouré de murs. Autour de moi. Avec moi. Pres de moi.

Et pour soulever le couvercle, j'ouvre les yeux..

Ma boîte, elle a le don de ne jamais être là où on l'attend. Un trésor caché.

C'est l'avantage d'être brouillon...